WRC

WRC : BILAN À MI-SAISON

Avant que le WRC ne reprenne ses droits en Finlande, les responsables des équipes sont revenus sur cette première partie de saison haletante où leurs équipages vedettes se rendent coup pour coup.

Textes Arnaud Guygrand | Photos DR, Arnaud Guygrand & SCD/Jo Lillini – Rallyes Magazine N°285

MATCH QUASI
ÉGAL !

MATCH QUASI
ÉGAL

Depuis janvier, le Championnat du Monde tient une cadence effrénée et le rallye de Sardaigne, qui s’est conclu sur une victoire inattendue de Dani Sordo, a marqué le basculement dans la seconde moitié de saison. Si le premier acte de ce cru 2019 du WRC n’a dégagé aucune tendance flagrante autour de son dénouement, le Championnat constructeurs a vu Hyundai prendre un premier avantage grâce à une philosophie nettement repensée depuis janvier. Côté pilotes, les trois hommes forts de la discipline, Sébastien Ogier, Thierry Neuville et Ott Tänak, ont tout simplement éclaboussé de leur talent cette première partie d’année disputée dans une atmosphère déjà bouillante !
Durant les sept semaines de trêve estivale (entre la Sardaigne et la Finlande), les équipes ne vont pas se reposer sur leurs acquis. Elles continuent le développement de leurs machines. Pour les pilotes, ce sera un peu plus calme entre quelques séances d’essais, diverses obligations médiatiques et, évidement, du repos bien mérité. Ce savant mélange est idéal pour recharger les batteries avant de se lancer dans le second acte qui s’annonce déjà irrespirable jusqu’au dernier kilomètre !

Hyundai Shell Mobis WRT

Des changements qui portent leurs fruits !

Avec 44 points d’avance au classement constructeurs (après la Sardaigne) sur son plus proche rival, Hyundai réalise une première partie de championnat aboutie. Ses bons résultats sont dus au vent de fraicheur insufflé par son patron, Andrea Adamo, depuis son arrivée. Rarement avare dans son temps de parole, toujours démonstratif, le successeur de Michel Nandan semble avoir apporté des méthodes certes jugées parfois agressives mais qui se révèlent efficaces à mi-saison. Il garde, plus que jamais, en ligne de mire les titres mondiaux sur lesquels butent son équipe et thierry Neuville depuis déjà cinq ans. « Je ne pense pas qu’il y ait une ‘‘patte Adamo’’, comme certains le disent souvent », balaie-t-il. « J’ai des objectifs que je compte bien respecter et, pour cela, on m’a demandé de prendre des décisions fortes, Si on fait le bilan pour l’instant, le résultat global de l’équipe est plutôt bon. Nous sommes en tête du Championnat constructeurs et Thierry est en pleine bagarre face à Sébastien et à Ott. Cela ne veut pas dire qu’il faut se relâcher pour autant. Attention : nous n’allons pas baisser le rythme face à nos adversaires qui n’attendent que ça. Il faut que nous gardions la tête sur les épaules et que toute l’équipe continue dans la direction de cette première partie de saison. En ce qui concerne nos pilotes, Thierry est dans le match cette année. Pour le moment, aucun des trois favoris n’a pris de réel ascendant sur ses adversaires et c’est le plus important car tout reste ouvert. Il a gagné deux rallyes cette année et, sans son erreur au Chili, il pourrait même être plus avancé dans le classement.

ANDREA ADAMO

AUCUN DES TROIS FAVORIS N’A PRIS DE RÉEL ASCENDANT SUR SES ADVERSAIRES ET C’EST LE PLUS IMPORTANT CAR TOUT RESTE OUVERT.

Il se sent bien avec l’équipe et tout le monde travaille pour qu’il soit dans les meilleures conditions au départ de chaque course. Quant à Sébastien (Loeb), Andreas (Mikkelsen) et Dani (Sordo), ils ont tous un énorme talent qui ne fait aucun doute. Ils ont un rôle important dans l’équipe et c’est aussi grâce à eux qu’elle en est là à l’heure actuelle. Il y a parfois des petits détails qui perturbent leurs courses mais ils ont tous montré qu’ils étaient performants. »
Depuis son retour en Championnat du Monde, Hyundai a les armes pour rivaliser. Mais, cette année, encore plus que d’habitude, celles-ci semblent parfaitement affûtées pour obtenir un résultat à la hauteur de l’investissement cumulé depuis 2014. La possibilité de choisir ses équipages lors de chaque rallye est également un avantage notable qui permet à l’équipe coréenne d’avoir les meilleurs atouts dans son jeu. Et l’atmosphère qui règne dans l’imposant motorhome dégage un sentiment de cohérence et de cohésion qui, pourrait bien, s’il persiste, conduire les hommes d’Andrea Adamo à atteindre les buts après lesquels ils courent depuis tant d’années.

Hyundai Shell Mobis WRT

La performance au détriment de la consistance !

Champion du Monde en titre, Toyota lorgne, une nouvelle fois, sur les couronnes mondiales tout en a chant un niveau de performances toujours aussi considérable. Avec déjà trois victoires au compteur, Ott Tänak mène les débats au classement pilotes et impressionne à chaque apparition. Si, à mi-chemin, tous les feux semblent être au vert pour l’Estonien, le bilan global de l’équipe japonaise est bien moins harmonieux, en raison, notamment, d’erreurs et d’une fiabilité pointée du doigt.
« Cette première partie de saison a été difficile à gérer en tant que directeur de l’équipe », constate Tommi Mäkinen. « Il y a eu des moments très forts cette année et d’autres qui ont été beaucoup plus compliqués. Ce sont les sports mécaniques, cela fait partie du travail mais, dans l’ensemble, il n’y a pas que du négatif, loin de là. Déjà, si on compare cette première moitié de saison avec 2018, les résultats sont généralement meilleurs et nous sommes encore en bonne position pour atteindre nos objectifs. C’est sûr que tout n’a pas été parfait pour le moment mais le Championnat est un challenge permanent à relever. Et, pour cela, il faut que tout le monde dans l’équipe travaille dur. C’est l’essentiel. Je ne me fais pas trop de soucis, je connais les personnes qui travaillent avec moi et je sais qu’elles sont motivées pour y arriver, à commencer par Ott. Il est déterminé. Sans ses quelques problèmes, il réaliserait quasiment un début d’année parfait. Il est en tête du Championnat et, par rapport à 2018, il est largement en avance.

TOMMI MÄKINEN

TOUT N’A PAS ÉTÉ PARFAIT POUR LE MOMENT MAIS LE CHAMPIONNAT EST UN CHALLENGE PERMANENT À RELEVER.

J’espère qu’il va s’appuyer sur sa fin de saison dernière pour aller chercher le titre. Avec son talent et sa concentration, il a ce qu’il faut pour devenir Champion du Monde. Kris (Meeke) trouve ses marques dans l’équipe et avec la voiture. Jari-Matti (Latvala) traverse, lui, une période plus difficile. » Fort d’une détermination à toute épreuve, Toyota Gazoo Racing a les ressources pour inverser la tendance au Championnat constructeurs et porter Tänak vers les sommets qu’il tutoie depuis deux saisons maintenant. Il ne lui reste désormais plus qu’à gommer certains détails, parfois lourds de conséquences jusque-là, et à retrouver une certaine cohérence pour que cette mécanique si parfaite ne s’enraye plus dans cette seconde partie de saison.

Citroën Total WRT

Diamétralement constants !

Après plusieurs années de disette et des choix de pilotes trop peu payants, Citroën Racing tente de retrouver des couleurs cette année avec le retour marquant de Sébastien Ogier dans ses rangs. Et si, pour le Français, la cohabitation avec l’équipe de ses débuts accouche d’une première moitié de saison positive avec six podiums dont deux victoires (Monte-Carlo et Mexique), le bilan est diamétralement opposé pour Esapekka Lappi, qui peine encore à trouver ses marques chez les Rouges. Relégué en queue de peloton au Championnat pilote (9e, à 110 points de Tänak), le Finlandais souffre et enchaîne les résultats frustrants, entre erreurs à répétition et prestations décevantes. Pierre Budar, le directeur, analyse: « Sébastien est parfaitement placé au Championnat et nous avons montré un niveau de performances global positif avec la voiture et l’équipe. Avec sept podiums signés lors des sept premières courses, les résultats sont là, c’est factuel. Cela dit, des progrès encore à faire sur notre niveau de performances dans certaines situations précises, nous en sommes conscients. Nous travaillons et je me doute que nos adversaires font de même pour également progresser. Je ne suis pas inquiet sur le fait que nous allons rapidement proposer des améliorations qui vont convenir à nos pilotes. Au sujet d’Esapekka, il y a une vraie problématique, il manque de consistance. Il y a parfois des situations qu’il faut savoir maîtriser et c’est aussi à nous de l’aider à surmonter ces moments difficiles. C’est pourquoi il travaille désormais avec un coach qui lui fait prendre conscience de ces situations grâce à des exercices afin que tout cela porte ses fruits. Dans ce contexte difficile, il faut prendre du recul. C’est certes loin d’être satisfaisant mais nous gardons confiance tout en l’accompagnant. » Derrière un Budar fidèle à sa ligne de conduite, la motivation semble avoir retrouvé son bon niveau chez les Rouges pour offrir un meilleur visage que celui affiché par le passé. Malgré quelques difficultés à prendre en main la C3 WRC, l’alchimie commence à naître du côté d’Ogier. Même s’il doit son salut au Championnat à quelques résultats inespérés liés aux ennuis de la concurrence, le sextuple Champion du Monde est bien déterminé à poursuivre sa campagne victorieuse avant de tirer sa révérence fin 2020. Pour Lappi, la marche à franchir est encore haute. Et si, pour le moment, tout n’est pas encore parfait, les Doubles Chevrons ont tout de même déjà retrouvé de l’éclat en seulement six mois.

PIERRE BUDAR

DES PROGRÈS SONT ENCORE À FAIRE SUR NOTRE NIVEAU DE PERFORMANCES DANS CERTAINES SITUATIONS PRÉCISES.

MSport Ford WRT

En deux temps !

L’après-Ogier a laissé entrevoir un avenir sombre pour M-Sport sur le plan sportif. Et son début de saison a clairement ravivé les doutes quant à sa faculté de rivaliser avec les teams d’usine. Son jeune dirigeant, Richard Millener, a encaissé sans broncher tout en défendant le travail effectué par ses hommes dans les locaux de Dovenby Hall. Puis la tendance a commencé à s’inverser au fil des courses et les résultats, ainsi que les prestations, ont été plus convaincants. Après un hiver rude dont ils avaient perdu l’habitude ces deux dernières années, les Britanniques printemps plus chaleureux. « Notre début de saison a été, comment dire, trop poussif pour être honnête », tranche le bras droit de Malcolm Wilson. « Nous nous attendions à mieux et les résultats n’ont pas été à la hauteur, mais cela n’a pas empêché toute l’équipe de continuer à travailler dur pour relever la tête. Teemu (Suninen) a commis quelques erreurs en début d’année mais il est encore jeune et il continue d’apprendre. Après sa déconvenue au Monte-Carlo, Elfyn (Evans) a vite repris ses marques jusqu’en Corse, où il est passé tout près d’un sensationnel résultat.

RICHARD MILLENER

LES RÉSULTATS ENCOURAGEANTS PROUVENT QUE NOUS SOMMES AU NIVEAU POUR JOUER AUX AVANT-POSTES.’’

Après l’Argentine, qui ne s’est pas bien passée, l’équipe s’est recentrée en continuant son travail et les derniers rallyes sur terre se sont terminés sur des résultats encourageants qui font du bien au moral et prouvent que nous sommes au niveau pour jouer aux avant-postes. Il faut continuer sur cette dynamique positive. La deuxième partie du calendrier est très variée et nous a permis, par le passé, de signer de bons résultats. Donc, il va falloir confirmer. Quand on regarde le classement pilotes, on voit également qu’Elfyn et Teemu ont un bon coup à jouer s’ils continuent d’être réguliers. Il faut poursuivre dans ce sens. » La passion de l’équipe, l’expérience d’Evans, le talent de Suninen… M-Sport a les ingrédients pour venir jouer les trouble-fêtes en cette fin d’année. Il ne reste plus qu’à trouver la recette dont les premières lignes ont clairement été déchiffrées ces derniers mois pour bousculer la hiérarchie. Au cœur d’une lutte si acharnée, les opportunités se font rares mais elles existent et l’équipe britannique a largement le bagage nécessaire pour les saisir au bon moment !